CR de course : le FrenchMan XXL de Julien le samedi 28 mai 2022

Voilà, ça y est, il est 6h54 du matin, je me sens bien, serin et chanceux d’être là.

Une bonne brise agite les pins et soulève des vagues.

Les notes galvanisantes de la Marseillaise retentissent dans les hauts parleurs, bientôt reprises en cœur par les participants, la foule est dense pour nous encourager, Paul et Rui, mes amis du TCA sont juste à côté.

Comme à chaque fois, un petit frisson d’émotions, parfois contradictoires, me parcourt l’échine, j’y suis, c’est le départ dans une poignée de secondes, je savoure l’instant.

Un XXL c’est un combat contre soi-même,  c’est la faculté de puiser dans ses ressources mentales pour continuer, en tout cas, je le vis comme ça et j’adore !

Accusant un surplus de 5kilos sur mon poids de forme à cause d’une prépa perturbée par le covid, une grosse grippe et surtout d’handicapants lumbagos chroniques me voilà les pieds dans le sable, devant cette immensité aquatique qui se confond avec l’horizon, prêt à finir mon troisième « ironman », mon épouse et l’aînée de mes filles sont là, comme sur le XXL Chtriman de l’année dernière, je sens leur présence.

C’est mon 5e triathlons de l’année en 5 semaines. Ils n’ont pas été concluants, natation ratée sur le M d’arcachon, seulement dans le premier cinquième sur le S de Creil, abandon à cause de mon dos sur le L de Compiègne, problème mécanique sur le S par équipe des Mureaux… pas de quoi rassurer, un faible kilométrage en course à pieds et en vélo depuis 2022 comparativement aux autres années, les signaux ne sont pas au vert. Mais ils ne m’inquiètent pas plus que cela, je connais mon corps sur ce type d’effort, je sais que la barre mythique des 10h est jouable, si la providence m’épargne des problèmes mécaniques ou physiologiques, car le mental lui, tiendra…

Si je fais 11h tant pis, c’est déjà costaud, mais je seraais clairement déçu si je fais plus de 11h30.

Super-Frenchman avec son béret et sa cape les pieds dans l’eau tel un pélican fait des allers retour devant nous…

Le coup de pistolet retentit enfin, la masse humaine en néoprène et bonnets (vert pour les hommes, rose pour les femmes) s’ébranle à l’assaut de son rêve…

NATATION

Au départ, il faut marcher, je plonge, me relève plusieurs fois cela me fais gagner quelques petites secondes. Au bout d’une minute c’est déjà la bonne mêlée, une petite bagarre comme je les affectionne. Étrangement, il y a du courant dans ce lac immense (le plus vaste de France) et le vent puissant plein nord forme des vagues qui compliqueront à la fois la progression et la navigation pour repérer les balises.

Plusieurs fois, au moment de sortir mon bec de l’eau pour respirer je me prends une vague qui me fait boire une bonne tasse.

Les sensations sont bonnes, je pense passer les balises à la corde. La sortie à l’australienne se fait dans une ambiance de fou, avec vidéaste de l’organisation.

Je regarde mon chrono à mi course, 36min… Je pensais moins, c’est plus rapide que mon XXL 2019 mais moins que celui de 2021, allez c’est partie pour la seconde boucle !

Ça bouchonne moins, mais je suis toujours dans un peloton qui frotte pas mal à l’approche de chaque balise, empêchant de bien poser ma nage.

Dans ces conditions difficiles, même les meilleurs mettront 8min de plus que leurs temps habituels, Paul sortira à une formidable 11e position de l’eau en 1h au lieu de 52min prévues, moi en 178e position en 1h16 très loin de mon chrono du Chtriman 2021 mais presque dans le premier tiers des partants, ce qui en dit long sur les conditions difficiles car habituellement en 1h16 cela fait sortir dans la seconde moitié sur un XXL.

Je ne suis pas déçu en voyant mon temps à la sortie de l’eau par rapport à la rudesse des vagues et j’estime que je ne m’en suis pas trop mal sorti, je n’ai pas envoyé les jambes qui sont préservées pour le reste du triathlon, même si je prends du retard sur mon objectif.

La vie est belle la course continue.

Rui fait une belle natation en 1h48, il est largement au dessus de la barrière horaire des 2h qu’il craignait ne pas passer.

T1

Je n ai pas aimé la transition, les affaires ne sont pas au vélo, il faut prendre un sac spécial T1 et se changer à un autre endroit  sous barnum puis courir reposer son sac de T1 puis recourir jusqu’au vélo, qui lui-même est à 250m de la sortie…

Bref, après la bagarre du début de la natation c’est la bagarre de la T1, pour trouver une place pour se changer…

Au vu de la distance à courir, je décide de courir en chaussettes et de porter mes chaussures de vélo dans la main gauche pendant que la droite tient mon vélo… Mauvais calcul, dans la précipitation je fais chuter deux fois mon vélo et je casse le porte gourde aéro de mon cintre, ce qui me contraindra à tenir ce bidon sur chaque rond-point et dos d’âne pour ne pas le perdre.

Je comptais mettre 2min, j’en mettrais plus du double avec cette histoire, pourtant 63e de la T1, et 158e au classement général.

Je comptais mettre 2min, j’en mettrais plus du double avec cette histoire, pourtant 63e de la T1, et 158e au classement général.

VELO

En 2019, le parcours était sympa puisque nous ne repassions pas deux fois au même endroit, celui-ci nous faisait monter jusqu’à la pointe de Grave là où la Gironde vient épouser l’Atlantique, puis nous longions la plage, un petit tour dans les vignes du Médoc, avant de filer sur Lacanau et finir par une sympathique piste cyclable, dite des phares, assez casse-pattes dans les dunes.

Cette année le parcours est tout plat (400m de D+) et prend la forme d’un banane de 45km à faire 4 fois. C’est monotone et pénible de repasser au même endroit, entre champs de maïs ou d’asperges et de forêts de pins. Le seul avantage est qu’il possible de connaître son classement en comptant les coureurs que l’on croise dans l’autre sens. Ce qui permet aussi de mesurer son avance et son retard sur les copains du club ou la première féminine.

Sur le papier ce tracé est fait pour un chrono d’enfer, sur le papier seulement…

Cela ne prend pas en compte les bouchons des voitures à chaque rond-point dont l’une risqua de me faire tomber.

Cela ne prend pas en compte le vent sévère qui avait déjà transformé le lac en petite mer, et qui usera les organismes en vélo. C’est bien simple je passais de 38km/h vent dans Le dos à 28km/h vent contre…

En montant sur le vélo je croise ma fille et  l’attachant Gilloux venu de Paris en moto la veille pour nous encourager.

Ça fait chaud au cœur, allez c’est parti pour 5 à 6h d’effort !

Mon objectif est de mettre entre 5h20 et 5h25 si je veux espérer décrocher la barre finale des 10h. Au-dessus de 5h45 je serais vraiment déçu, mais sait-on jamais sur cette distance.

Comme habituellement, je double une bonne trentaine de triathletes sur les 30 premiers kilomètres, dont toutes les féminines (6 au total devant moi à la sortie du parc) ça c’est fait, pensais-je alors. Chacun trouve sa source de motivation ou il veut, l’une des miennes est d’essayer de terminer devant la première féminine, ce qui relève souvent d’un bel exploit pour moi tant le niveau féminin est élevé en triathlon et que le poids des ans se fait sentir.

Le vent est contre mais il est encore modéré en comparaison de ce qu’il sera 90km plus loin.

Je décide de maintenir une moyenne de 34-35km/h, je bois et mange régulièrement. Au 30e, premier ravitaillement et les bénévoles ne me proposent rien à manger, juste à boire, je suis chafouin car je comptais dessus pour refaire le plein en bouffe. Au 35e km je croise le premier dans l’autre sens ce qui veut dire qu’il a déjà 20km d’avance sur moi…

Au 41,5e km je croise Paul en 45e position qui me semble bien, nous nous encourageons mutuellement, cela veut dire qu’il possède 7km d’avance sur moi.

Au 45e km, lorsque nous faisons demi tour, d’après mon décompte je suis 103e, j’estime avoir doublé 65 vélos, mais comme j’ai été repris par 15 autre cela doit faire +50…

Les sensations sont bonnes je calcule (je ne fais que ça pour passer le temps sur le vélo) qu’à ce rythme je suis dans des projections de temps de 5h05 sur la partie velo… j’ai du rouler plus vite que ce que je pensais.

Sur le deuxième 45e km je commence à avoir faim à partir de 3h de course, je ne double presque plus personne mais je ne me fais pas doubler non plus.

Je croise Rui , fringuant qui est au 58e km donc il accuse un retard de 25km sur moi.

Au ravitaillement du 60e, je cherche du regard ma famille que je ne vois pas, heureusement il y a du solide, je parviens à me saisir de 3 barres de céréales, j’ai déjà épuisé mes 10 gels personnels, il me reste mes 6 pâtes d’amandes que je garde en réserve pour la seconde partie du parcours.

Les bonnes nouvelles ne manquent pas, je n’ai pas mal au dos ni aux épaules je ne pourrais me concentrer que sur mes sensations de pédalage si ma nouvelle trifonction France Zerod à manches ne me comprimait pas les bourses contre la selle…

Au 62e km, je croise le dernier suivi de la voiture balai, donc il a 34km de retard sur moi, un rapide calcul m’indique qu’il se fera doubler par les premiers avant la fin.

Au 75e km, je croise le premier donc il a maintenant 30km d’avance sur et m’a mis 5km dans la vue en l’espace de 45km alors que j’ai tenu une moyenne élevée de 37km/h. Au 87,5km je croise notre Polo qui est en 63e position, il est donc 5km devant moi je lui ai grignoté 2km.

À mi-course au 90e km, je passe en 2h34 dans le top 100, décidément ça roule vite, je pensais en reprendre plus. Néanmoins si je tiens le rythme, je finirais le vélo en 5h08 au-delà de mes espérances et pourquoi pas revenir dans le top50.

Au rond-point du demi tour, pour le 3e passage, nous revenons au départ donc la foule est digne d’une arrivée du Tour de France. C’est ici qu’une voiture devant moi prend peur des olas des supporteurs au niveau du rond-point et ne me voit pas la doubler en dépit des gestes du gendarme présent. Elle manque de peu de me renverser. Je peux vous dire que les pulsations sont montées hauts dans cette affaires…

Le troisième passage sera le plus éprouvant pour les participants, le vent c’est levé avec virulence, ma moyenne chute à 28km/h.

J’essaye de mettre plus gros pour rétablir une moyenne honnête mais je sens que j’y laisse des cartouches. Alors je mets un plus petit développement et j’essaye de travailler en vélocité en tournant plus vite les jambes… Mais rien n’y fait, je bouge pas des 28km/h… Désespérant… 

Dès que je me révèle pour soulager mes bourses ou m’étirer le dos, la moyenne chute à 25 à cause du vent…

En dépit de cela, je ne perds ni de gagne de place. Les écarts semblent déjà conséquents.

Au 105e, je croise Rui, nous nous encourageons, il est à 30km et n’a perdu que 5km sur moi, je calcul qu’il doit rouler a 32km/h. Ça fait chaud au cœur qu’il fasse un si bon vélo.

J’attaque mes pâtes d’amandes progressivement chaque 10km.

Au ravitaillement du 120e km, j’ai l’heureuse surprise de voir ma famille et le fils de Rui m’encourager.

Au 133e, je croise Paul, il ne reste plus 4km entre nous, il me semble bien.

Il me tarde de tourner sur le 4e passage pour avoir de nouveau le vent dans le dos et retrouver ma moyenne du premier et second passage.

J’aime bien le vélo mais après 150km je ne pense plus qu’à le poser pour attaquer le marathon.

Surprise qui me sort de la monotonie, km 140, je suis doublé par la première féminine, une souriante triathlète se prénommant Diane plusieurs fois championne de France de duathlon.

Quelques kilomètres plus loin, au 142e je croise Rui qui ne manque pas de me dire qu’il y a une féminine devant moi.

Je dois cravacher jusqu’au 160e pour reprendre la féminine.

Les 20 derniers kilomètres je me laisse porter par le vent dans le dos en espérant qu’elle ne revienne pas sur moi. Je termine les dernières goutes de mes différentes gourdes.

À partir du 176e km, je mets un braquet plus large pour tourner les jambes pour préparer la course à pieds.

Je lache le vélo en 5h22, j’ai explosé mon chrono sur la distance, c’était plat (418m de D+ officiellement).

Je reste dans mes prévisions chronométriques et j’ai limité la casse par rapport à la troisième portion avec gros vent contre.

Paul fait un 5h31 sur le vélo, il peut encore réaliser son objectif sub 10h.

Rui fait 5h59 et suit son tableau de marche.

T2

L’organisateur au micro fait l’éloge de la première féminine arrivée sur mes talons, en décrivant son impressionnant palmarès. Nous nous changeons en même temps. Je pars devant grâce à une transition de 2min, bien décidé à vendre chèrement ma peau pour préserver cette maigrelette avance. Je me sens bien, pas de fatigue, j’ai juste les adducteurs qui tirent un peu…

Il faudra compter sur le « gros » cette fois-ci encore !

Je calcule qu’avec un marathon en 3h20 ça passe encore sous les 10h à condition de courir en 4min55 au kilo, haut les cœurs, c’est réalisable, je l’ai déjà fait en raid sur du plus long !

C’est ambitieux voir prétentieux, c’est le juge de paix de la course, le marathon , je vais savoir…

En théorie s’il y a un alignement de planètes et sans pépin physique je m’en sais capable, c’est l’instant de vérité pour moi, je n’ignore rien de l’acceptation d’un certain seuil de souffrances pour y parvenir.

MARATHON

J’attaque moins rapidement qu’en 2021, avec une vitesse de 4,47min au kilo. Sur les deux premiers kilomètres (comme en 2021) pas de problème et au 3e « bada-boum-boum » , début du requiem des diarrhées … Je trouve une voiture à l écart de la foule pour faire mon affaire, et là impossible de me relever, deux crampes de l’adducteur qui me font perdre une à deux minutes à étirer. Je repars doucement 400m en 6/7 au kilo puis je tente de reprendre progressivement mon rythme, c’est là que la première féminine me rattrape, son rythme n’était pas super rapide mais régulier, elle avance à la même vitesse dans la première côte au 4e km ou elle me lâchera. La championne bouclera la course en 10h39…

Juste après mon épouse et ma fille ont établi leur camp de base, depuis cet endroit il est possible de voir passer huit fois les coureurs sur le marathon.

Comme prévu Daphné, ma fille, me donne une casquette avec éponge que j’essayerai s’humidifier à chaque ravitaillement. Elle fait quelques dizaines de mètres avec son papa.

La veille, avec Rui nous étions venus encourager Nono du TCA sur le L, où il avait fait un super chrono de moins de 5h. Il nous avait dit que le parcours était casse patte avec du dénivelé.

Ce que je ne savais pas, c’était qu’il serait rendu aussi difficile tant au niveau du revêtement, flirtant parfois avec du trail, que du tracé avec des virages à 180e nécessitant des relances et que la météo qui prévoyait 26 dépasse les 30 degrés. À ce propos, je ne sais pas comment les coureurs en fauteuil ont fait pour manœuvrer à certains endroits.

En 2019 le parcours était ultra plat sur cette course….

Au 5e km, je suis doublé par le futur vainqueur, je lui propose de finir la Badoit que vient de me donner une spectatrice. Il refuse poliment, il ne semble pas forcer, ni courir super vite, pourtant il fera un super chrono de 8h17 et un marathon de fou au vu des conditions

Au 6e km nous passons à côté d’un grand  fronton de pelote basque qui précède la seconde bonne grimpette du parcours. Heureusement, le parcours est ombragé en totalité.

Le reste du parcours nous revenons sur les rives du lac, puis courons sur la mini croisette de Malbuisson-Carcans. Nous sommes applaudis par les Girondins sur la plage, et nous sommes encensés par les deux-trois mille accompagnateurs des triathlètes, soit les familles soit les triathletes du même club qui faisaient le M du Jeudi ou le L du vendredi.

Avant de finir le premier tour, je croise Paul, il semble avoir 1km d’avance sur moi.

Après ce premier tour je me dis : «  bon revois ton objectif et essaye de tenir pour 10h15 tout compte fait », après le second je me dis objectif 10h30, au troisième j’abaisse mon objectif à 10h45 et je termine en 11h… 99e et 20e de ma catégorie.

Au 16e km, je reviens sur Paul qui me dit qu’il est heureux que j’arrive pour essayer de finir ensemble. Il est blanc comme un linge alors que la température dépasse maintenant 30 degrés, il me semble que le fond est rendu poisseux par l’humidité. Nous courons 500m à rythme réduit mais je crampe de nouveau, je lui dis de continuer, puis je reviens sur lui. Il me dit qu’il n’arrête pas de vomir et qu’il ne parvient pas garder les boissons ou les aliments… Dans ces conditions, difficiles d’avancer car le corps n’a plus de carburant. Cela arrive souvent dans un effort extrême quand l’estomac est insuffisamment irrigué en sang…

Nous restons ensemble jusqu’à la première petite grimpette, il se met à marcher du coup je ne peux plus l’attendre, et je le quitte en l’encourageant, un gros pincement au cœur.

Au troisième tour, je croise Rui qui commence le sien en marchant. Je lui dis s’il ne peut pas courir, il lui faut allonger le pas et mettre de la fréquence ça permet de marcher à 9min au kilo au lieu de 13/15min au kilo. Je le trouve très éprouvé, il me dit uriner du sang. Là encore, c’est assez courant sur les efforts extrêmes comme les raids ou les ultra trails mais plus rare sur les triathlons. Ce sont les toxines que les muscles produisent qui intoxiquent les reins.

Il finira au courage grâce à la présence de son fils et de son alimentation abondante en eau.

Il y a beaucoup de solidarité entre concurrents, bien plus que sur un L, et infiniment plus que sur les petites distances ou ce genre de chose est inexistante. On s’encourage beaucoup, énormément de coureurs me proposèrent d’étirer mon muscle lors de crampes, m’entendants geindre de douleur comme un morse en rut sur la banquise.

Sur le dernier tour, l’ambiance monte d’un cran, les encouragements de la foule  redoublent et semblent être au diapason de l’augmentation des douleurs consentis. Hélas, ma diarrhée s’amplifie et me fait perdre une petite dizaine de minutes en quatre pauses qui produisent quelques temps plus tard des crampes tjs localisées aux adducteurs et qui me semblent reliées  à mes lombaires qui commencent eux-aussi à tirer.

Je regrette beaucoup l’absence de signe distinctif indiquant le nombre de tours effectués, impossible de savoir si vous doublez ou si êtes doublés avec un tour d’avance ou de retard ou si la coureur est dans le même tour que vous. Il faut demander à chaque fois, je ne le fais que sur la seconde moitié du dernier tour, car entre deux crampes ou diarrhées je me sens pas trop mal et capable au mental de garder une place. Sur l’avant dernier kilomètre je double un jeune, il est également sur son dernier tour, il me dit être un boxeur de bon niveau qui réalise son premier triathlon, c’est plutôt couillu comme défi, mais bon au même âge je terminais mon premier UTMB sans jamais avoir couru de trail.

À 800m de la ligne d’arrivée toujours en ébullition dans le fracas assourdissant des applaudissements et des cris de la foule, combinés à la musique débitée dans les hauts parleurs et le flot ininterrompu des informations du commentateur de la course, j’entends celui-ci dire que la seconde féminine ne devrait pas tarder.

Elle doit être donc juste derrière moi, voilà exactement la dernière source de motivation qui me manquait, je dois finir devant elle. Du coup, j’accélère la cadence, mais en économie d’énergie pour éviter les crampes, c’est à dire en foulées rasantes. C’est à ce moment que je manque de chuter. Mon pieds tape un bloc de ciment que les racines des arbres de la croisette ont soulevé, cela m’occasionne la seule crampe totale de la course (une des rares de ma vie), c’est à dire sans exagérer que la totalité des muscles de ma jambe gauche est tétanisée par les crampes.

Heureusement l’organisation avait mis des binômes de jeunes gens en vtt qui se chargeaient de la sécurité, de la circulation piétonnière ainsi que de la santé des coureurs, d’appeler les secours en cas de gros pépins physiques et d’aider en cas de crampes paralysantes.

Je me dis que comme pour la première féminine c’est justement au moment où elles sont là que j’ai mes crampes.

Avec anxiété je m’étire en espérant que la crampe passera avant la seconde féminine. Sans me retourner par peur de faire revenir la crampe, je repars dès que possible à bonne allure, et je retrouve ma fille pour les 300 derniers mètres. La fierté et la joie dans ses yeux vaut tout le bonheur du monde à cet instant.

Je passe la ligne et reçois l’accolade comme chaque finisseur de Super-Frenchman dont l’accent chantant aux notes gasconnes fleure bon le parfum anisé d’un petit 51 pastis.:-)

Voilà c’est fait, à une heure de mon objectif chronométrique mais globalement satisfait de ma course dans le premier quart des arrivants et le premier cinquième des partants avec une bonne gestion des aléas gastriques et musculaires qui m’handicapèrent.

Au final, je garde surtout en mémoire l’odeur des pins et l’atmosphère typiquement girondine, l’ambiance énorme et la présence de ma famille dans ce moment de partage. La course m’est apparue paradoxalement assez rapide dans son déroulement.

Je comptais recourir pour aider à finir Paul et Rui, mais mon état musculaire me l’interdît. Je les attendrais pour l’accolade à l’arrivée dans le sas de restauration.

L’année prochaine je reviendrai sur cette distance défier à nouveau la barre des 10h, le XXL du Mont St Michel me tente bien mais je reste ouvert.

Je remercie mon épouse pour sa patience sans faille qui m’a encouragé avec ma fille et autorisé quelques sorties d’entraînement 🙂 pour que je puisse parvenir à finir une course de ce type.

Je décerne une mention spéciale du courage à mes coéquipiers :

– Sylvain victime d’une gravissime intoxication alimentaire avant course, ne pu pas prendre le départ. Nous accusions tous un peu le coup. Je ne doutais pas que Sylvain puisse claquer un 5h-5h10 en vélo, et cela m’aurait rajouter un challenge, celui d’essayer de ne pas me faire reprendre par son PX Cervelo emmener par ses cuissots de feu.

– Paul qui est parvenu à courir les 30 derniers kilomètres sans rien pouvoir ingérer ou boire, et qui a fait preuve d’une abnégation incalculable pour parvenir à se dire, « je vais finir coûte que coûte »,  alors que sans problème physiologique  il avait les moyens de ses ambitions de 10h.

– Rui, tendu le matin ce qui tranchait avec son attachante bonhommie coutumière, on le serait à moins! Il a eu le courage de prendre le départ d’un XXL et les ressources mentales pour le terminer. En dépit de graves pépins physiques sur la course, son fiston présent pour le soutenir, l’a aidé réaliser son rêve et à se façonner des souvenirs immémoriaux.